1 – Poursuivre et massifier les dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation
Le soutien à la recherche et à l’innovation est essentiel car pour ce type de solutions, le temps de recherche et développement est de 5 à 10 ans. Il est donc nécessaire de donner les moyens à la recherche publique. Donner les possibilités de projets collaboratifs publics/privés et faciliter ensuite les phases d’expérimentation et de premières utilisations par les agriculteurs, comme il est d’usage en pharmacie par exemple. Il s’agit donc bien de soutenir l’ensemble du parcours de développement des solutions, tant certaines modifient les pratiques agricoles (itinéraires techniques, modes d’application…).
En parallèle du Grand Défi Biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie, la constitution d’un partenariat public privé national « Biosolutions1 » où la stratégie serait partagée entre les représentants du secteur privé et l’Etat, puis les appels à projets seraient proposés par le secteur privé à l’Etat avec, ensuite un engagement réciproque financier pour mettre en œuvre, sur la durée (plan de 5 ans renouvelé une fois) ces dispositifs2.
2 – Favoriser l’expérimentation
Un des freins majeurs à l’utilisation des nouvelles solutions alternatives aux produits phytosanitaires « classiques » est le manque de références, de comparaisons. Autant du côté des conseillers agricoles que des agriculteurs, utilisateurs directs de ces solutions. Il est donc fondamental de massifier les expérimentations.
Trois points semblent rapidement possibles :
- Au travers du Grand Défi Biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie, un réseau de plateforme et de sites expérimentaux sera identifié ce qui permettra de disposer des mêmes indicateurs de comparaison, et cela est nécessaire. Mais pas suffisant,
- Des dispositifs de type « zones franches de l’innovation3 » pourraient être définies autour de collectifs regroupant autant les agriculteurs que les chercheurs et les associations environnementales, pour expérimenter en grandeur réelle et sur le long terme ces solutions, et mesurer régulièrement l’impact sur les productions et sur l’environnement,
- Enfin, des dispositifs de type financement en cascade (comme réalisé par la Commission Européenne) pourraient faciliter ces expérimentations. Les pôles de compétitivités, acteurs territoriaux, et pour certains habitués à gérer ce type de dispositifs, pourraient être une partie tierce indépendante, pour l’Etat, pour mettre en œuvre sur le terrain ces dispositifs
3 – Disposer d’une règlementation harmonisée
La France est en avance sur le thème du biocontrôle et le rejet récent de la proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable ne favorise pas, pour l’instant, le développement d’alternatives. Il est donc urgent de remettre cette proposition à l’ouvrage dont une grande partie des articles vont dans le bon sens. L’adéquation entre le calendrier de sortie des pesticides et leurs alternatives est une question essentiellement de moyens. Même si les changements de pratiques agricoles seront aussi nécessaires. D’autres problématiques comme la concurrence aux frontières européennes sont à prendre en compte. Il sera également intéressant d’anticiper que le terme de « biocontrôle » n’est pas repris par cette proposition de règlement. Le terme de « protection biologique » lui ayant été préféré.
4 – Processus d’autorisation de mise sur le marché
Les acteurs français se plaignent régulièrement des délais d’autorisation de mise sur le marché (AMM), malgré les efforts de l’ANSES4. En conséquence, la pratique de reconnaissance mutuelle est de plus en plus fréquente : la demande d’autorisation étant effectuée auprès d’un autre Etat membre dont les processus sont jugés plus rapides. Pour les dossiers concernant les alternatives aux produits phytosanitaires, il pourrait être intéressant de pouvoir bénéficier d’un processus fast track dont le caractère prioritaire pourrait être jugé en fonction de la dangerosité du produit à substituer ou de la fin de sa commercialisation.
Par ailleurs, pour favoriser l’innovation et la mise sur le marché, un prêt « AMM » pourrait être facilement souscrit auprès de BPI France, permettant à une PME de ne pas avancer les frais (conséquents) d’AMM et de rembourser une fois le produit sur le marché.
5 – Soutenir l’investissement industriel et la souveraineté des sociétés innovantes sur ce domaine
A part les 3-5 très grandes multinationales des biosolutions, les autres sociétés françaises innovantes sont des PME voire pour beaucoup des start-ups. La logique de marché actuellement observée est le rachat des start-ups par les plus grands ou la prise de participation de fonds, notamment étrangers, dans les start-ups les plus prometteuses, au moment du 3e ou 4e tour de table (>2-3 M€). Ces start-ups qui ont pour la plupart été largement aidées par les différents dispositifs de création, de capital risque, de recherche et développement français, ne valorisent que très faiblement leurs innovations sur le territoire et pour certaines, se développent (donc créent des emplois) hors de France et majoritairement hors d’Europe.
Les Etats-Unis, l’Amérique du Sud, l’Afrique, sont des zones de développement favorables pour des raisons multiples : règlementation plus simple, agriculture moins morcelée et plus favorable à l’innovation, etc. Il serait essentiel de pouvoir permettre à ces entreprises de prospérer. Cela y compris à l’international mais de pourvoir « récupérer la mise » de départ en maintenant un capital national majoritaire. La création d’un fonds ou d’une banque dédiée à la transition écologique en agriculture, pour abonder en capital, elle-même abondée par des fonds privés français, pourrait être une bonne initiative.
Notes :
1. Le terme biosolutions prenant en compte les solutions de biocontrôle, de biostimulation et de fertilisation
2. A l’exemple des partenariats publics privés (PPP) de la Commission Européenne. Un des PPP « proches » thématiquement est Circular Biobased Europe
3. Un dispositif encore plus simplifié
4. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail